HISTORIA – Mort de Marcel Azzola, le grand accordéoniste
22/01/2019
L’accompagnateur de Jacques Brel (qui l’interpellait en concert avec son célèbre “Chauffe, Marcel !”, d’Édith Piaf ou de Barbara est décédé à 91 ans. Il avait accordé à Historia l’une de ses dernières interviews dans le numéro consacré aux Italiens qui ont fait la France.
LES ARTISTES.
Entretien avec Marcel Azzola. « On parlait français, car il ne fallait surtout pas avoir d’accent ! »
PROPOS RECUEILLISPAR GUILLEMETTE HERVÉ dans mensuel 861
daté septembre 2018 – 499 mots
HISTORIA – Vous êtes né à Paris de parents italiens. D’où venaient-ils ?
MARCEL AZZOLA – Ma mère était de Valbondione et mon père de Pradalunga, vers Bergame, en Lombardie. Mon père, maçon, a quitté l’Italie en 1922, car il ne pouvait plus y exercer son métier à cause des fascistes. Il a trouvé du travail en France et s’est installé à Pantin, où ma mère et ma soeur aînée l’ont aussitôt rejoint. Je suis né cinq ans plus tard, à Ménilmontant, dans le même hôpital qu’Édith Piaf !
Était-ce difficile d’être un enfant d’immigrés dans les années 1930 ?
À l’école, lorsqu’on était traité de sale rital, il fallait faire le coup de poing ! J’avais pourtant la nationalité française, mais avec un nom italien on se faisait remarquer. Et quand on était immigré, il ne fallait pas rouler des mécaniques ! Alors je me suis vengé plus tard en me faisant remarquer avec mon accordéon. En commençant la musique très tôt, j’ai eu la chance d’être bien intégré. Et on m’engage encore à l’âge que j’ai !
Dans quelle mesure la culture italienne se reflète-t-elle dans votre musique ?
Mon père voulait que ses enfants jouent d’un instrument, pour le plaisir. En Italie, il jouait de la mandoline ; malheureusement, je n’ai jamais pu l’entendre : dans le train qui le menait à Paris, une dame s’est assise à côté de lui et a écrasé son instrument. Il n’a jamais pu s’en acheter une autre ! J’ai donc étudié le violon pendant un an, mais je ne suis pas devenu Paganini ! Le père du jeune virtuose Joe Rossi, que mon père connaissait, lui a alors conseillé de me faire apprendre l’accordéon pour que je puisse gagner ma vie. J’ai commencé à l’âge de 9 ans. À 11 ans, après le certificat d’études, j’ai quitté l’école pour devenir musicien professionnel.
Fréquentiez-vous la communauté italienne à l’époque ?
Mon père jouait aux boules le dimanche avec quelques collègues italiens, ils se refilaient du travail… À l’époque, il existait une vraie solidarité. De mon côté, j’ai eu la chance d’avoir des professeurs italiens, comme Attilio Bonhommi ou Médard Ferrero, de côtoyer les musiciens Tony Murena, Richard Galliano et d’autres… Il y avait beaucoup d’Italiens dans l’accordéon ! J’ai aussi accompagné de nombreux chanteurs d’origine italienne : Piaf, Montand, Reggiani…
Avez-vous encore des liens avec l’Italie ?
J’ai très envie d’y retourner car ma compagne, la pianiste Lina Bossati, est d’origine italienne et a une propriété au nord de Turin. À Bergame, j’ai encore de la famille, notamment mon cousin Goffredo, grâce à qui j’ai été invité officiellement là-bas il y a quelques années. Mais je ne parle pas italien, je baragouine seulement le bergamasque, ce dialecte du nord que mes parents utilisaient entre eux. En famille, on parlait français, car il ne fallait surtout pas avoir d’accent !
Vous sentez-vous italien ?
J’ai une grande tendresse pour l’Italie. Mais je suis né français, mes parents se sont fait naturaliser, la France était leur terre d’accueil. Vive la France ! Mon pays, c’est la France, bien sûr !