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Marcel Azzola, le jazz et la java

22/01/2019

L’accordéoniste français Marcel Azzola, qui avait su marier jazz et accordéon et accompagné de grands noms de la chanson française, vient de s’éteindre à l’âge de 91 ans, après une vie entière dédiée à sa passion pour l’instrument.

Un rythme d’accordéon enflammé et virtuose, et ce fameux “Chauffe Marcel !” scandé par Jacques Brel sur l’enregistrement de la chanson Vesoul, voilà l’un des célèbres faits d’armes que Marcel Azzola laisse à la postérité. Mais limiter ce grand accordéoniste à cette seule anecdote serait évidemment bien trop réducteur pour un musicien qui a su donner ses lettres de noblesse à un instrument populaire.

Ce fils d’immigrés italiens, né à Paris en 1927 dans le quartier de Ménilmontant, commence l’apprentissage de la musique par le violon, mais passe très vite à l’accordéon, avec lequel il commence déjà à gagner sa vie dès l’âge de 11 ans en jouant dans des orchestres dans les brasseries de la capitale et de sa banlieue. Durant ces années de guinguettes et de java, Marcel Azzola s’exerce au répertoire populaire, mais aussi classique, en travaillant des pièces de Schumann, Saint-Saëns ou Bach. Plus tard, dans les années 1950, il enregistre ses premiers disques chez Barclay, des airs de tango, paso, fox ou valse qui feront les grandes heures du musette.

Mais ce mélomane touche-à-tout, féru de jazz, ne se cantonnera pas aux musiques de bal, qui semblent vite trop étroites pour pouvoir laisser s’exprimer l’étendue de son talent. Dès les années 1950, les grands artistes de la chanson française font appel à lui, sur scène comme en studio. Il accompagne Yves Montand en 1957 en tournée en Russie, joue pendant dix ans aux côtés de Brel, devient l’accordéoniste de BarbaraJuliette Gréco, enregistre avec Gilbert Bécaud ou encore Édith Piaf, pour laquelle il interprète notamment la partition de L’Accordéoniste. Ces expériences lui confèrent une renommée internationale dans le monde de la musique.

Le cinéma aussi fait appel à ses talents, ses notes d’accordéon accompagnent une centaine de films. L’un des premiers à lui demander d’enregistrer une bande originale fut Jacques Tati, pour Mon oncleTrafic et Playtime. Suivront Claude Sautet avec Vincent, François, Paul et les autres ou encore Bertrand Tavernier pour le Juge et l’assassin.

Mais ce que la postérité retiendra aussi et surtout de Marcel Azzola, c’est qu’il fut l’un des premiers à s’affranchir des frontières entre musiques populaires et musiques dites “savantes”, à aventurer l’accordéon, un instrument de bastringue longtemps considéré avec dédain par les musiciens, vers les partitions de jazz. Car le jazz était son autre passion, découvert après-guerre en fréquentant les clubs de Saint-Germain.

Partageant depuis cette époque, bœufs et improvisations avec les jazzmen, l’accordéoniste donne un nouveau souffle à sa carrière dans les années 1980 en se produisant avec les réputés Stéphane Grappelli, Christian Escoudé, Toots Thielemans, Patrice Caratini, Didier Lockwood ou encore l’accordéoniste de jazz Richard Galliano. C’est aussi à cette époque qu’il commence les récitals en compagnie de la pianiste Lina Bossatti, avec qui il interprètera pendant de nombreuses années un large répertoire alliant classicisme et accents jazzy.

Les rencontres et le partage semblent avoir été le fil conducteur de ce musicien passionné, collectionneur invétéré d’accordéons anciens, rares ou emblématiques de l’histoire de cet instrument. Passeur de savoir, Marcel Azzola ne s’est pas contenté de faire danser dans les bals. Il a enseigné son art aux jeunes musiciens pendant 20 ans, à Orsay, et a activement œuvré pour faire entrer l’accordéon au Conservatoire national de musique de Paris, au début des années 2000. De la reconnaissance académique au renouveau, l’accordéon lui doit beaucoup.

Par : Céline Turroques

Marcel Azzola

Jazz – Chanson francophone – France